Au cours du mois dernier, l’armée israélienne a méthodiquement vidé Rafah de ses habitants et rasé ce qui restait de ses bâtiments. Dans un article, publié sur le site Chronique de Palestine, le journaliste palestinien, Tareq S. Hajjaj décrit « le cadre du plan israélien visant à rester indéfiniment à Gaza et à faciliter le nettoyage ethnique de sa population ». Focus.
« Les Israéliens ont complètement rasé Rafah, transformant un cinquième du territoire de Gaza en une zone tampon géante ». La ville de Rafah et les localités environnantes ont désormais pratiquement disparu, la plupart des habitants ayant été expulsés vers le nord, à Khan Younis et sur la côte de Mawasi, sous les tirs d’artillerie et au son des chars.
Rafah a également été le théâtre de plusieurs massacres clairement identifiés, notamment le massacre des intervenants dans le quartier de Tal al-Sultan fin mars, lorsque l’armée israélienne a ouvert le feu et massacrés 15 ambulanciers et secouristes du Croissant-Rouge palestinien et de la Défense civile de Gaza. Rafah est le gouvernorat le plus au sud de la bande de Gaza, situé le long de la frontière avec l’Égypte.
Avant la guerre, il comptait environ 200 000 habitants et son territoire représentait environ un cinquième de la superficie de Gaza. Il n’existe plus aujourd’hui…

Un carnage méthodique
Les opérations de démolition et de déplacement menées par Israël ont commencé à Rafah bien avant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu de courte durée entre Israël et le Hamas à la mi-janvier. Pendant la période de cessez-le-feu, les forces israéliennes ont empêché les habitants de plusieurs zones frontalières de retourner chez eux, notamment dans le camp de réfugiés de Yibna, à al-Awda, al-Shabura et Bir Canada.
Après la rupture du cessez-le-feu à la mi-mars, l’armée israélienne a rasé toutes ces zones. L’objectif de l’assaut total contre Rafah est désormais clair : transformer toute la ville en une zone tampon rasée, sous présence militaire israélienne permanente. Selon un article du Haaretz, cela « transformerait de fait Gaza en une enclave au sein du territoire contrôlé par Israël, la coupant de la frontière égyptienne ».
Les images et les témoignages provenant de Rafah montrent une ville complètement détruite, dont les habitants confirment qu’elle n’est plus habitable. Khaled al-Dahaliz, fuyant Rafah vers al-Mawasi, à l’ouest de Rafah, témoigne du carnage méthodique de la campagne de bombardements de l’armée israélienne :
« Nous avons quitté Rafah pour la dernière fois. Nous ne pensons pas pouvoir y retourner ; il n’en reste rien. (…) Même les tentes que nous avions montées pour survivre à Rafah ont été prises pour cible par l’armée israélienne. »
Southern Gaza city of Rafah before and after the Israeli genocidal war. https://t.co/8Yi02dRF84
— PALESTINE ONLINE 🇵🇸 (@OnlinePalEng) December 18, 2024
Un no man’s land militaire
Dans les zones adjacentes au corridor de Philadelphie, la bande de terre qui longe la frontière entre Gaza et l’Égypte, dont Israël était censé se retirer à la fin de la première phase du cessez-le-feu, tout a été rasé et nettoyé, confirment les habitants de Rafah. Des zones telles que le camp de réfugiés de Yibna, le quartier saoudien et Tal al-Sultan sont désormais un no man’s land militaire interdit aux civils.
En outre, au cours des dernières semaines, l’armée israélienne a achevé la mise en place de ce qu’elle appelle le corridor Morag, qui sépare désormais la ville de Rafah de la ville voisine de Khan Younis, juste au nord. « La ville de Rafah est désormais encerclée de tous côtés par des couloirs construits par l’armée israélienne », a déclaré Ahmad al-Dabash, à Mondoweiss.
Le corridor de Morag traverse Gaza d’est en ouest, parallèlement aux corridors de Netzarim et Philadelphie. Il tire son nom d’une colonie israélienne aujourd’hui disparue qui existait entre Rafah et Khan Younis avant le redéploiement unilatéral d’Israël de la bande de Gaza en 2005. « Ils sont retournés dans les zones où ils se trouvaient avant 2005. Leurs positions militaires et leurs colonies se trouvaient dans les mêmes secteurs. Ils les connaissent bien et les ont occupés à nouveau », a expliqué al-Dabash.

Israël avait prévu cette issue depuis le début
Cette route massive, large de plusieurs centaines de mètres, traverse des terres qui ont depuis été rasées, privant des milliers de familles de leur foyer et les empêchant de revenir. Selon les habitants, elle part de la zone de Baraksat à Rafah, où le massacre des premiers secours a eu lieu, et traverse la zone de Shakoush près d’al-Mawasi, à l’ouest de Rafah, en direction du passage de Kerem Shalom à l’extrême est de la ville.
Les habitants estiment que les actions d’Israël sur le terrain démontrent clairement son intention de maintenir une occupation prolongée de Gaza. La mise en place de routes et d’installations militaires, son refus de se retirer du corridor de Philadelphie pendant le cessez-le-feu et son sabotage de l’accord indiquent tous qu’Israël avait prévu cette issue dès le début, ont déclaré des habitants à Mondoweiss.
« L’occupation israélienne veut rendre la vie impossible dans la bande de Gaza, et c’est exactement ce qu’elle a fait », a déclaré al-Dabash. « Les objectifs sont clairs : l’occupation ne nous laissera pas vivre en paix et continuera d’essayer de nous expulser de notre terre. »
Tareq S. Hajjaj
Auteur Palestinien et journaliste pour le média Mondoweiss