Deux rassemblements, l’un à Paris et l’autre à Fort-de-France en Martinique, se sont tenus ce samedi pour réclamer justice dans le scandale du chlordécone, ce fameux pesticide ayant contaminé 90% de la population aux Antilles. Ces manifestations sont « la conclusion provisoire d’une semaine de mobilisation » indique le syndicaliste Philippe Pierre-Charles. Zoom.
Une manifestation « pour la justice et les réparations dans le scandale du chlordécone » a réuni samedi 2000 personnes à Fort-de-France en Martinique. Un deuxième rassemblement, réunissant plusieurs dizaines de personnes, avait lieu simultanément à Paris.
Ces rassemblements dénonçaient les ravages de ce pesticide utilisé dans les bananeraies qui, trois décennies après la fin de son utilisation dans les Antilles françaises, continue à polluer les sols et contaminer une large partie de la population.
Le chlordécone, qu’est-ce que c’est ?
Le chlordécone est un pesticide, utilisé entre 1972 et 1993, dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique. Initialement utilisé pour lutter contre le charançon – un insecte qui ravageait les cultures – le chlordécone s’est révélé être une substance toxique pour les humains qui s’est répandue bien au-delà des champs de banane.
« Le sol reste chargé en chlordécone à nu et lorsqu’il va pleuvoir ce chlordécone va être transféré par voie aquatique dans les cours d’eau et les écosystèmes côtiers »
C’est ce qu’indique, Pierre Sabatier, enseignant-chercheur au Laboratoire Edytem. Aujourd’hui, 90 % des Antillais sont contaminés au chlordécone, d’après une étude de Santé publique France réalisée en 2013-2014.
En 2021 l’Anses conclu dans une étude, qu’il existe « une relation causale probable entre chlordécone et risque de cancer de la prostate ». Une donnée qui a son importance sachant que le cancer de la prostate est la première cause de mortalité chez les hommes en Guadeloupe et en Martinique.

Un non lieu qui scandalise
Face à cet empoisonnement, plusieurs associations se sont portées partie civile pour déposer plainte. Tout en reconnaissant un « scandale sanitaire », la justice française prononce, début janvier, un non-lieu dans l’enquête sur l’empoisonnement des Antilles au chlordécone.
Un non lieu « vécu comme un véritable crachat sur la population » qui provoque un sentiment d’impunité face à un scandale sanitaire, environnemental et économique. Le maire de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), et avocat des victimes du pesticide, Harry Durimel déclarait à l’issue du verdict :
« Si la cour d’appel ne nous donne pas raison, nous ferons un pourvoi en cassation. Nous sommes déterminés à aller jusqu’à la Cour de cassation et à la Cour européenne de justice pour que justice nous soit rendue »
Les manifestations actuelles sont donc « la conclusion provisoire d’une semaine de mobilisation », déclarait Philippe Pierre-Charles, syndicaliste et co-organisateur de la « Simen Matinik Doubout – Gaoulé Kont Chlordécone » (Semaine de la Martinique debout – révolte contre le chlordécone).
Réparation !
— Fabien Roussel (@Fabien_Roussel) October 29, 2023
Justice !
Nous continuerons de nous battre aux côtés de toutes ses familles victimes du Chlordécone pic.twitter.com/kXzGVd1m1h
L’État français doit prendre ses responsabilités
Présent en Martinique pour manifester leur solidarité, plusieurs personnalités politiques ont fait le déplacement. Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français, précise : « Nous sommes dans une démarche d’internationalisation de la lutte avec à terme la création d’un tribunal citoyen international ».
Olivier Besancenot – du Nouveau Parti anticapitaliste – était aussi présent dans le cortège martiniquais. Du côté parisien, on pouvait apercevoir également des députés, syndicalistes et sympathisants comme Théo Lubin, président de l’association Comité du 10 mai, qui a tenu à rappeler « le véritable enjeu » de ses rassemblements :
« Le véritable enjeu c’est que l’État reconnaisse sa responsabilité dans cet écocide et ce génocide, puisque ça a attaqué les gènes des Antillais »
Même discours chez la député LFI Mathilde Panot qui souligne que « L’État doit prendre ses responsabilités ». Elle indique notamment que « les organisations demandent une loi-cadre pour réparer et dépolluer les sols et faire en sorte qu’il y ait des indemnisations ».
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