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samedi 27 juillet 2024

2020 : l’incontournable islam 2/2

Seconde partie du texte d’Ousmane Timera sur les rapports entre les dynamiques civilisationnelles contemporaines, leurs postulats philosophiques et le rôle que l’islam en tant que support et vision spirituelle du monde est amené à jouer dans l’économie de la destinée humaine.

Le monde c’est un événement passé qui s’interprète et une interprétation de l’avenir qui « s’événemente ».

Les deux actes se font, en même temps, dans le présent qui est relation et tension entre ces deux actions concomitantes de la conscience.

Or le travail philosophique et théologique (s’il peut encore exister une différence pure) consiste en l’interrogation du monde et de son interprétation en même temps que la réinterprétation de son devenir et la création des modalités de la réalisation de celle-ci.

Si la conscience humaine est la porteuse en son sein de ces deux actions qui se fécondent, la civilisation en est alors la fille.

Il s’agit dès-lors, en fait, de l’interaction entre une réalisation passée qui s’interprète et une interprétation de l’avenir qui se réalise, ainsi que de la vision et de la voie que l’on s’en fait et que l’on se donne pour ce faire, après avoir tiré les leçons de celles des générations précédentes.

Or l’Islam est une certaine interprétation du monde qui, à travers le Coran, se veut être une réinvention cosmique et transcendante du monde, une synthèse critique de l’histoire spirituelle de l’humanité et de son expérience civilisationnelle, et enfin un projet cosmique à réaliser dans l’avenir à l’échelle de la planète et de l’espèce humaine.

Seulement, cette idée et son projet, jamais totalement réalisés, font l’objet des préoccupations constantes de l’ordre mondial actuel et de son projet de mondialisation, faisant de cette religion, par réaction, une affaire importante, présente et future.

Son avenir, ainsi, se trouve intimement lié au devenir de l’Islam.

La mondialisation actuelle est une entreprise de limitation et de dilution de la réalité humaine aux seules lois de la nature et de son univers de contradiction et de lutte (…) une entreprise d’expulsion de toute référence à ce qui est transcendant, au-delà et spirituel qui donne à l’homme sa spécificité et sa dignité (…) une entreprise de « paradisation » du monde et de l’ici-bas (…) débarrassée de toute limite et de tout sens éthiques, en tant que promesse illusoire d’un bonheur tout aussi illusoire, qui n’est possible que pour une minorité.

Mais de quelle interprétation du monde en tant qu’événement, et de quel devenir de celui-ci en tant que projet, la mondialisation actuelle, fille de l’expérience occidentale, est-elle le nom ?

C’est en répondant à cette question que nous comprendrons la raison pour laquelle l’Islam est incontournable en tant que préoccupation et en tant que réponse opposée en des points essentiels au projet de civilisation mondiale que porte la globalisation actuelle, bien qu’elle en réalise en partie l’idée (l’unification matérielle de l’humanité mais sans et contre son unité spirituelle).

C’est aussi cette réponse qui nous aidera à saisir ce pourquoi l’ordre mondial et sa propagande s’excitent tant sur la question de l’Islam et du monde musulman, en vue de déconstruire le premier afin de mieux coloniser et diluer le second.

La première partie de cette analyse, dans le précédent article, s’est chargée de nous fournir des éléments de réponse.

Clairement, la mondialisation actuelle est une entreprise de limitation et de dilution de la réalité humaine aux seules lois de la nature et de son univers de contradiction et de lutte, d’une part ; et d’autre part, en conséquence, c’est une entreprise d’expulsion de toute référence à ce qui est transcendant, au-delà et spirituel qui donne à l’homme sa spécificité et sa dignité ; et enfin, c’est une entreprise de « paradisation » du monde et de l’ici-bas (limitant celle-ci), par la consommation et la jouissance matérielle immédiate, débarrassée de toute limite et de tout sens éthiques, en tant que promesse illusoire d’un bonheur tout aussi illusoire, qui n’est possible que pour une minorité.

Ce, avec pour conséquence et prix le sacrifice d’une majorité d’êtres humains qu’il faudra déshumaniser et dominer, et de l’environnement biologique (la nature) et symbolique (la culture) qu’il faudra désacraliser et exploiter.

A lire du même auteur : 2020 : l’incontournable islam 1/2

Le matérialisme, le scientisme, l’économisme (libéral ou socialiste), le nationalisme, la colonisation, le laïcisme (qui prône la séparation du temporel et du spirituel et l’uniformisation de tout au profit du premier contre le second), les délires « de fin de l’histoire » et de « clash des civilisations » (d’inspiration hégélienne), l’exploitation des êtres humains et la surexploitation de la nature ne sont que les manifestations concrètes de cette idée de Dieu, du monde et de l’homme et du projet de civilisation qui en découle et limite la réalité au calcul, à l’immédiat et à l’instinct.

À travers leurs philosophies, Spinoza, Hegel et Marx nous ont en réalité décrit avec précision et en même temps fondé, l’ordre du monde que nous connaissons aujourd’hui, dans la continuité de celui dont ils voulaient la fin.

L’incarnation et la dilution de l’idée de Dieu dans la nature et dans l’histoire, en faisant du déterminisme et des contradictions et oppositions qui s’y trouvent, et que l’on perçoit scientifiquement au premier abord, le cœur, le moteur et le sens de l’existence.

Cette incarnation puis cette dilution de l’idéal Divin, disions-nous, a fini par enlever à l’homme son humanité, à « chimériser » le monde moral qu’il porte en lui, pour mécaniser le rapport à la nature et atomiser ou « totalitariser » la société et fonder les relations entre personnes et peuples sous le prisme de la concurrence à l’intérieur de la nation (la lutte des classes de Marx) et de lutte entre les nations (la lutte des esprits des nations Hegel).

Or nous l’avons dit, cette défiguration de la modernité par la colonisation et l’exploitation (fondée initialement sur la dignité de l’humain et la fin du minorât religieux et politique de l’humanité, telles que d’ailleurs l’Islam le prône), cette défiguration disions-nous ne tombe pas du ciel. Ou plutôt si.

Elle est la continuité, même en tentant de s’en libérer, du ciel déchu de la conception religieuse judéo-chrétienne qui continue à lui fournir en négatif ses paradigmes, que ce soit dans la théocratie (le pouvoir au nom de Dieu) et son illusion du « dieu fait homme » ou de « l’homme à l’image de Dieu », ou dans l’anthropocratie (le pouvoir au nom de l’homme) et son illusion de la « mort de Dieu » et de « l’homme surhumain ».

Dans les deux cas de figure, enchantement ou désenchantement, la naturalisation, animalisation et unidimensionalisation de l’homme est de mise.

Ousmane Timera

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