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Gaza, prisonnière d’une guerre génocidaire sans fin

« Plus qu’une guerre pour le territoire, l’assaut d’Israël contre Gaza est une guerre visant à prolonger et imposer le rythme des tueries et des destructions ». Pour l’auteur Palestinien, Abdaljawad Omar, « le temps est la ressource stratégique la plus précieuse, le moyen par lequel le génocide est administré et normalisé ». Une analyse pertinente traduite par le site Chronique de Palestine.

Le dernier plan d’Israël pour occuper la ville de Gaza met en évidence que l’assaut contre Gaza est plus qu’une simple guerre pour le territoire. Il s’agit d’une guerre visant à prolonger et imposer le rythme des tueries et des destructions, afin d’épuiser Gaza jusqu’à ce qu’elle se soumette. Il semble qu’Israël soit tombé dans un état d’orgueil dément, lançant et relançant sans relâche des campagnes militaires à Gaza, chacune s’effondrant dans la suivante dans un cycle presque mécanique, comme si la stratégie elle-même avait été inféodée à l’impératif de projeter la force sans répit. 

Depuis le début du génocide, le 7 octobre, ces opérations ont pris le nom de « Iron Swords », « Guardian of the Walls », « Shield and Arrow » et « Gideon’s Chariots », chacune étant présentée comme une phase distincte, mais toutes unifiées par leur logique génocidaire et leurs ravages cumulés. Pourtant, ces actes de violence ne se déroulent pas seulement dans l’espace, mais aussi dans un horizon temporel soigneusement contrôlé. Plus les opérations israéliennes se prolongent, plus les maisons de Gaza sont réduites en ruines. 

Le temps est le moyen par lequel le génocide est normalisé

L’utilisation intensive de bulldozers et la destruction massive de quartiers entiers ont déjà transformé de vastes zones en terrains vagues, mais selon les calculs d’Israël, il reste encore beaucoup à faire. Cette dévastation implacable n’est pas fortuite : elle est inscrite dans la logique même de la guerre, une guerre racontée dans le langage de l’espace : « phases » et « secteurs », rues « sécurisées » et avancées délibérées vers le sud. 

Mais au-delà de cette chorégraphie spatiale se cache un atout plus profond : le temps. Plus qu’une guerre pour le territoire, l’assaut contre Gaza est une guerre pour la capacité à prolonger, suspendre de courts moments et dicter le rythme des meurtres, de la destruction et de la concentration planifiée des Palestiniens dans la ville « humanitaire » dystopique de Rafah. 

Le temps est la ressource stratégique la plus précieuse, le moyen par lequel le génocide est administré et normalisé. C’est le temps de l’horreur que les Palestiniens sont contraints d’endurer ; le temps interminable de la malnutrition et de la privation ; l’érosion lente et douloureuse des liens sociaux et de la vie morale, alors que les gens sont contraints de vivre dans un état permanent de survie. 

La campagne israélienne à Gaza repose sur une ligne de fracture entre deux logiques distinctes. D’un côté, la logique spatiale de l’armée : une machine de saisie et de contrôle, tracée sur des cartes, mesurée en secteurs « sécurisés » et en villes capturées. De l’autre, l’impératif politique de prolonger l’horizon temporel de la guerre : utiliser le temps comme une arme, étirer le conflit pour épuiser la population de Gaza, démanteler ses infrastructures et normaliser les conditions du nettoyage ethnique. Ici, la « victoire » ne se définit pas par un gain territorial, mais par une lente érosion, la suspension délibérée de toute solution de fin. 

La domination temporelle comme obstacle à tout accord

Ces logiques tirent dans des directions opposées. La conquête spatiale exige une finalité ; la domination temporelle se nourrit du retard. Il en résulte des frictions : la clarté opérationnelle s’estompe, les objectifs deviennent vagues, les critères de réussite opaques et les campagnes sont relancées sans point final. Gaza devient un champ de bataille sans fin, où chaque gain territorial est réintégré dans le calcul politique comme prétexte à de nouvelles destructions.

Selon des experts, plus de 100 000 Palestiniens sont morts à Gaza

Dans cette configuration, le temps est à la fois un instrument et un obstacle, une ressource à exploiter et un frein à la conclusion même que la machine militaire est censée atteindre. Il n’est donc pas surprenant que les propres dirigeants militaires israéliens se soient opposés à la prolongation, des fuites indiquant que le chef d’état-major de l’armée s’oppose au projet d’occupation de la ville de Gaza.

De plus, le temps est la monnaie d’échange du Premier ministre Netanyahu dans sa gestion politique, tant de sa coalition divisée que du paysage interne instable d’Israël.  En prolongeant la guerre, il s’assure l’espace nécessaire pour mener à bien un coup d’État juridique dans son pays, écarter l’ancienne classe dirigeante liée à l’armée et remodeler de manière radicale les institutions israéliennes.

Le temps accorde ainsi au Premier ministre un répit – une marge de manœuvre politique pour consolider et étendre ses pouvoirs – tout en offrant à son aile fasciste la possibilité de poursuivre son objectif ultime : le nettoyage et le vidage de la bande de Gaza de sa population. 

L’ambiguïté volontaire et politique d’Israël

Une telle politique basée sur le retard ne peut se tenir sans une politique d’ambiguïté. Le refus de définir des objectifs fixes, ou même d’articuler ce que pourrait signifier la « victoire », n’est pas une lacune dans la planification, mais la méthode même qui permet de poursuivre la guerre.  L’ambiguïté devient le voile qui épargne à Israël le fardeau de dire à haute voix ce que la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale soupçonnent déjà : que l’entreprise à Gaza porte la structure du génocide, les traits du nettoyage ethnique. 

Ainsi, alors que le monde s’efforce d’imaginer un « lendemain », Israël avance des justifications qui changent comme le sable : la guerre vise à ramener les captifs chez eux. Non, pour forcer le Hamas à se rendre. Non, pour s’assurer que Gaza ne puisse plus jamais constituer une menace. Non, pour « encourager » les Palestiniens à partir…

Il n’existe aucun critère mesurable permettant de mettre fin à la guerre, aucune fin définissable à laquelle les médiateurs pourraient se raccrocher pour rédiger des accords susceptibles d’aboutir à un cessez-le-feu ou à une grammaire politique autre que l’anéantissement.  Le plan récemment approuvé pour s’emparer de la ville de Gaza découle directement de cette architecture de l’évasion, traduction concrète de l’ambiguïté en politique.

Le 8 août 2025, le cabinet de sécurité a ordonné à l’armée de « se préparer à prendre le contrôle » de la ville, présentant cette opération comme la phase initiale d’une possible occupation totale.  Pourtant, Netanyahu, s’exprimant sur Fox News, insiste sur le fait qu’Israël « ne veut pas garder » Gaza, promettant plutôt de la remettre aux forces arabes qui ont déjà refusé d’y entrer sous l’ombre de l’occupation israélienne.

« Le monde donne à Israël tout le temps dont il a besoin »

La contradiction est ici flagrante : le droit d’occuper est revendiqué, le devoir de gouverner est rejeté ; le pouvoir de possession est revendiqué sans le fardeau de l’administration.  L’objectif déclaré du plan, qui est de récupérer les prisonniers, se heurte à l’avertissement du Forum des familles des otages, qui prédit une « catastrophe colossale tant pour les otages que pour nos soldats ».

L’impunité d’Israël

Les cinq principes de Netanyahu exigent le désarmement du Hamas, excluent l’Autorité palestinienne et évoquent une « administration civile alternative » sans nommer aucun acteur plausible. Il s’agit là d’une construction délibérée d’un vide : Gaza doit être contrôlée par des forces acceptables pour Israël, mais aucune force de ce type n’existe. Dans ce vide, l’occupation devient à la fois indéfinie et sans gouvernance : exigences maximalistes, exclusion des interlocuteurs viables et flou cultivé composent la grammaire d’une guerre permanente.

Et tout cela se déroule sous le couvert d’une impunité quasi totale, soutenue par la complicité d’alliés puissants et l’acquiescement tacite des institutions internationales. Dans cet espace protégé, Israël mène la guerre comme s’il était exempté de la grammaire juridique internationale, comme s’il était immunisé contre les conséquences, comme si aucun tribunal ne pouvait l’atteindre.

Ici, la carte peut être redessinée, les règles réécrites, Gaza remodelée selon un plan d’anéantissement qui n’admet aucun témoin et aucune limite. Le temps lui-même est cédé à Israël, en effet, le monde donne à Israël tout le temps dont il a besoin. 

Abdaljawad Omar 

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