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mardi 19 mars 2024

Que nous apprennent les résultats de la Consultation des musulmans ?

Mustapha Ettaouzani (à gauche), président de l’UAMO, avec Samy Debbah, ancien président du CCIF. 

Dimanche 30 septembre, un événement était organisé à l’Institut du Monde Arabe pour présenter les résultats de la consultation en ligne des musulmans lancée au début du Ramadan 2018, et qui a été suivie d’une consultation locale dans plusieurs mosquées. Mizane.info revient sur les résultats et sur les enseignements à en tirer.

Une première conclusion réussie. C’est à peu près ce que l’on pouvait ressentir au sortir d’une présentation qui a duré près de trois heures ce dimanche 30 septembre à l’Institut du Monde Arabe. Animée par la journaliste Louisa Yousfi de l’émission « Paroles d’honneur », la présentation des résultats de la consultation des musulmans, initiée au mois de mai en plein commencement du ramadan, et poursuivie par des présentations locales dans plusieurs mosquées, était attendue.

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Après une communication animée par Marwan Muhammad, initiateur de la consultation, environ 200 personnes auront fait le déplacement à l’IMA. L’occasion de revenir sur les résultats de la consultation à laquelle ont participé 27000 personnes. Que nous apprennent-ils exactement ?

https://www.facebook.com/ConsultationDesMusulmans/videos/1959203664136529/ 

70 % opposés à une ingérence de l’Etat

Les chiffres les plus marquants concernent le désaveu des instances nationales chargées du culte musulman (CFCM, Fondation de l’islam en France). 84 % des participants estiment qu’elles ne font pas du bon travail. Près de 80 % ne se sentent pas représentés par le Conseil français du culte musulman.

Ce chiffre passe à 90 % pour la Fondation présidée par Jean-Pierre Chevènement. 70 % des participants ont exprimé leur refus de voir l’Etat s’ingérer dans l’organisation du culte, contre 20 % d’avis favorable à cette participation.

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96 % estiment que les médias sont injustes sur l’islam

Près de 74 % des avis considèrent que les instances musulmanes doivent rendre des comptes prioritairement aux musulmans contre 20 % d’avis affichant leur préférence pour l’Etat.

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« C’est bien une posture en phase avec le principe de laïcité qu’adoptent les fidèles, en posant que l’État ne doit pas s’ingérer dans les affaires des cultes et dans leur organisation. Nous sommes bien en présence d’un « Islam de France » se pensant à partir du principe de séparation des cultes et de l’État (et même des États) », ont commenté les membres du comité scientifique de la consultation (Fatiha Ajbli, sociologue, Valérie Amiraux, sociologue et chercheuse détachée du CNRS, Said Bouamama, militant associatif et sociologue, Moussa Bourekba, sociologue et chercheur associé au CIDOB, Reda Choukour, statisticien, Nacira Guénif-Souillamas, anthropologue et sociologue, Patrick Simon, socio-démographe et directeur de recherches à l’INED et Julien Talpin, sociologue et chargé de recherches au CNRS).

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96 % des participants estiment que le traitement médiatique autour de l’islam n’est pas juste et équilibré.

« Un décalage entre la réalité des fidèles et leurs représentations médiatiques »

Un résultat justifié par « le mode de couverture médiatique, la concentration sur certains thèmes récurrents construits sur le mode du « problème », l’appel à des pseudos experts ou à des « représentants » auto-proclamés, (qui) contribuent à la production d’un décalage entre la réalité des fidèles et leurs représentations médiatiques ».

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L’un des chiffres importants concerne la volonté largement exprimée à 77 % de voir les musulmans être représentés dans les médias. Un chiffre qui dépasse la question de l’islamophobie qui reste une préoccupation à 72 %, devant l’enseignement de l’islam (60 %), le contrôle de l’abattage rituel (58 %) et l’organisation des mosquées (45 %).

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Ordre de priorité des missions des instances musulmanes selon les participants.

Parmi les associations musulmanes mentionnées par les participants, citons le CCIF (12 %), Baraka City (10%) et Musulman de France (7 %). Un résultat qui montre la très faible influence de l’ex-UOIF sur les internautes de confession musulmane.

L’amorce d’une instance de représentation

L’autre élément important concerne les propositions faites par le comité de pilotage sur la base des résultats de la consultation.

On y observe la volonté affichée de créer une nouvelle structure. « Une plateforme indépendante des associations et mosquées, sur l’ensemble du territoire : L.E.S Musulmans. Celle-ci constituera, à partir des 150 premières organisations participantes, le premier maillage d’ampleur nationale. »

La consultation illustre la rupture consommée entre une ancienne génération de gestionnaires du culte, issus des pays d’origines, et une classe moyenne, jeune et dynamique, née en France, et apte à proposer une alternative crédible à l’immobilisme d’un islam institutionnel prisonnier des desideratas politiques.

On observera que le curseur est davantage mis sur « les musulmans » que sur le culte ou l’islam, soulignant la dimension moins institutionnelle et plus humaine et locale du fait communautaire. Un site internet a été annoncé qui servira de plate-forme d’information au projet.

Le comité a proposé également une centrale d’achat pour regrouper toutes les dépenses infrastructurelles et énergétiques dans le but de garantir une réduction budgétaire aux associations musulmanes. Enfin, une formation destinée aux imams et cadres associatifs a été proposé « afin de mieux les aider à répondre aux enjeux de leur mission (communication, gestion de projets, difficultés de terrain, etc.) »

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Bien que les intervenants n’aient pas affiché leurs intentions précises, il apparaît que le projet de structure nationale proposé vient directement concurrencer les CRCM et au-delà la légitimité même du Conseil français du culte musulman. Dans une vidéo publiée par Mizane.tv, l’actuel président du CFCM Ahmet Ogras reconnaissait que la consultation était le produit des manquements ou des insuffisances passées de l’institution qu’il représente.

Marwan Muhammad a, de son côté, à plusieurs reprises émis des critiques sur le CFCM en le distinguant des fédérations historiques à qui « une main fraternelle » est tendue.

L’avenir d’une consultation

La journée du 30 septembre aura néanmoins montré le soutien massif apportée à cette consultation. Elle illustre la rupture consommée entre une ancienne génération de gestionnaires du culte, issus des pays d’origines, et une classe moyenne, jeune et dynamique, née en France, et apte à proposer une alternative crédible à l’immobilisme d’un islam institutionnel prisonnier des desideratas politiques. En ce sens, l’enthousiasme, les exigences et l’attente exprimés par les participants virtuels et ceux qui ont fait le déplacement est un premier gage de réussite incontestable pour les organisateurs.

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