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vendredi 29 mars 2024

Mohamed Moussaoui : « Le CFCM doit être réformé par les musulmans » 2/6

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Second volet du dossier d’entretiens de Mizane.info consacré aux assises territoriales de l’islam de France. Mohamed Moussaoui, ancien président du CFCM et actuel président de l’Union des mosquées de France, nous livre aujourd’hui ses positions sur ce processus initié par le gouvernement tout en regrettant l’inaction du Conseil français du culte musulman. Mohamed Moussaoui juge néanmoins que le CFCM est un acquis qui ne doit pas disparaître mais qui doit se réformer et « s’ouvrir davantage aux musulmans de la base ».

« Les assises répondent au même esprit que les réunions préparatoires de l’instance de dialogue du culte musulman mise en place par Bernard Cazeneuve en 2015 et 2016. Les pouvoirs publics ont besoin de dialoguer avec les responsables du culte musulman. Ce type de consultation est toujours utile. Ce qui est déplorable ou regrettable est que le Conseil français du culte musulman, instance légitime sur ce dossier, n’ait pas déjà initié une consultation. Il pouvait le faire. Rien n’empêche d’ailleurs que le CFCM s’associe à ces assises territoriales et apporte sa propre vision de la réforme qu’il doit porter. Nous sommes presque à la veille des élections du CFCM en 2019. L’UMF (L’Union des mosquées de France réunit 700 mosquées) avait demandé depuis longtemps au CFCM d’organiser ces discussions et qu’une réflexion sur l’organisation du culte musulman soit ouverte. Il aurait fallu que toutes ces fédérations mènent cette réflexion au sein de leurs instances régionales pour pouvoir sortir avec des propositions et organiser un séminaire. Cela n’a pas été fait. A côté de l’immobilisme du CFCM, des initiatives surviennent ici et là. Nous avons reçu dernièrement, deux jours avant une réunion, les statuts d’une nouvelle association cultuelle qu’il nous a été demandé de valider. La raison aurait voulu qu’une consultation plus en profondeur ait lieu avant cela. Nous avons néanmoins et à cette occasion réitéré notre demande qu’un séminaire sur la réforme du CFCM soit organisé.

« L’islam est une religion de proximité »

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Mohamed Moussaoui.

Le manque de moyens est un argument parfois avancé pour expliquer l’immobilisme du CFCM. C’est un argument qui peut être recevable. Mais je ne comprends pas qu’aucune initiative pour réunir les fédérations autour de cette consultation n’ait été prise plus tôt. Je suis convaincu, malgré les divergences, que nous aurions pu nous mettre d’accord sur quelques points concernant la réforme du culte musulman et faire des propositions. Les divergences ne sont pas un obstacle au travail. Le pire est de devoir réformer dans l’urgence. Le CFCM a vu les pouvoirs publics l’accompagner à différents moments de son existence. Mais on ne peut pas attendre systématiquement que l’Etat intervienne pour avancer. C’est à nous de prendre l’initiative et le moment venu échanger et faire nos propositions aux pouvoirs publics. Le CFCM doit être réformé par les musulmans. Le cadre proposé doit être suffisamment représentatif pour que l’Etat puisse dire qu’il s’adresse à l’ensemble des musulmans de France. Autrement, nous risquons d’avoir dans les prochaines années une instance qui ne sera pas représentative.

L’expérience montre qu’il est plus simple de réformer une instance existante (CFCM) sur des points précis plutôt que de partir dans l’inconnu d’une nouvelle instance représentative. Ce serait un retour en arrière de vingt ans, avec l’istichara de 1999. Le CFCM peut se réformer s’il ne se renferme pas sur les fédérations et s’ouvre sur les mosquées. Il doit s’ouvrir davantage aux musulmans de la base.

Dans son projet de réforme, l’UMF propose de partir des départements et d’une logique de proximité. Ceci dit, malgré tout ce qu’on peut dire sur le CFCM, c’est un acquis pour les musulmans. Il est inefficace et il faut lui donner les moyens de son efficacité. Le maillon manquant est départemental. L’islam est une religion de proximité. Elle se gère localement. Le modèle pyramidal du haut vers le bas ne fonctionne pas, il faut une assise plus large. Même la région est un niveau territorial trop large pour être géré.

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Rencontre de l’Union des mosquées de France.

Les acteurs locaux n’ont pas d’espace pour s’exprimer correctement. Nous avons un président de région (CRCM) qui voit rarement les villes. Nous pourrions même dire que l’échelon idéal est au niveau de la ville. Le département a cependant l’avantage de réunir des acteurs qui se connaissent et sont plutôt indépendants vis-à-vis des fédérations, et il pose le jalon d’un niveau de représentativité qui demeure local. La majorité des acteurs cultuels sont favorable au principe de revenir à la base et d’élire des conseils départementaux. Le niveau régional sera par la force des choses un espace de dialogue entre départements.

Mettre en place des outils d’évaluation

L’expérience montre en tous les cas qu’il est plus simple de réformer une instance existante (CFCM) sur des points précis plutôt que de partir dans l’inconnu d’une nouvelle instance représentative. Ce serait un retour en arrière de vingt ans, avec l’istichara de 1999. Le CFCM peut se réformer s’il ne se renferme pas sur les fédérations et s’ouvre sur les mosquées. Il doit s’ouvrir davantage aux musulmans de la base. Cette réforme doit reposer sur deux jambes. Une jambe gestionnaire, celle qui dialogue avec les pouvoirs publics et qui œuvre à l’organisation du culte. Une autre jambe qui est l’institution religieuse qui doit œuvrer à la réflexion et à la production de discours intellectuels et de sermons qui définiront les contours d’un islam français, avec la création de conseils régionaux des imams qui émaneront des départements. Il est navrant que sur des questions de bioéthique nous ne puissions pas avoir de discussions au niveau départemental. Les imams peuvent organiser un séminaire. Pour inverser la donne et pour que les imams qui ne sont pas formés prennent conscience de leur retard, il faut les réunir régulièrement dans un espace de dialogue qui leur est dédié. Il faut également mettre en place les outils de formation qui permettront à ces imams d’évoluer. Sans outils d’évaluation, il ne peut pas y avoir d’évolution. Une fois cela acquis, soit l’imam évoluera, soit il laissera sa place à plus compétent que lui. »

Mohamed Moussaoui  

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