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jeudi 25 avril 2024

Le retour discret de l’islam dans les terres de l’Azerbaïdjan post-soviétique

Le quartier du vieux Bakou, dans la capitale de l’Azerbaïdjan. 

Indépendante depuis 1991, composée d’une population dense de 10 millions d’habitants pour un territoire de 86 600 km2, la République d’Azerbaïdjan retrouve progressivement un rapport normatif apaisé avec l’islam, après des décennies d’une répression organisée au nom d’un athéisme d’Etat par des pouvoirs communistes. Pour en saisir la portée et la spécificité, Mizane Info vous propose la traduction d’un article en anglais de la journaliste Ayseba Umutlu pour Aljazeera, accompagnée d’une iconographie.

Dans ses souvenirs de l’Islam pendant la période soviétique Fargana Gasimova se rappelle que la foi devait être cachée. Ses grands-parents priaient et jeûnaient en secret, en prenant soin de dissimuler toute trace de leur religion à l’appareil de surveillance des autorités soviétiques. « Nous n’avions pas le droit de prier ou de porter le hidjab en Azerbaïdjan pendant l’URSS », confie-t-elle à Al Jazeera. « Seul l’athéisme s’est propagé dans toute l’Union soviétique, y compris en Azerbaïdjan », ajoute-t-elle. Bien que ses racines dans le pays remontent au VIIe siècle, la pratique de l’Islam pendant la période soviétique a été à la fois réprimée et fortement réglementée. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique et la réapparition de l’Azerbaïdjan en tant que république indépendante (1991), ces restrictions ont été largement assouplies et la pratique de l’islam a refait surface dans la vie de tous les jours. « Après l’indépendance en 1991, nous avons eu beaucoup de possibilités (de pratiquer la religion), et nous avons recouvré notre liberté religieuse », témoigne Gasimova. « Je peux facilement porter le hidjab sur nos chaînes de télévision et dans les salles de concert. » Fargana Gasimova est une chanteuse de Mugham, une forme de musique folklorique azerbaïdjanaise. Elle est également la fille d’Alim Gasimova, l’un des plus grands artistes du pays. Elle a commencé à pratiquer sa foi à l’âge de 20 ans et quatre ans plus tard a commencé à se couvrir les cheveux avec un foulard. « Je ne suis pas confrontée à des interdictions dans mon pays », dit-elle.

« Il n’y avait que deux madrasas dans toute l’URSS »

L’Islam a joué un grand rôle dans la définition de la culture azerbaïdjanaise et, au moins nominalement, entre 93 et ​​99% de sa population est musulmane, dont la majorité est chiite et une minorité sunnite. Le pays, qui se trouve au pied occidental de la mer Caspienne, a brièvement connu l’indépendance de la Russie en 1918, au sein d’une république laïque qui a assuré le libre exercice de la religion. La Constitution du pays donnait alors aux citoyens « tous les droits civils et politiques, indépendamment de leur origine ethnique, de leur religion, de leur classe, de leur profession ou de leur sexe ». Mais l’armée rouge de Lénine l’envahit en 1920, absorbant le pays dans l’Union soviétique pour les sept prochaines décennies.

Sous le régime soviétique, il n’y avait que 18 mosquées actives, mais après l’effondrement de l’Union soviétique, ce nombre est passé à 2 000. Après l’indépendance en 1991, le gouvernement a consacré la liberté de religion dans la constitution du pays et lancé un programme de rénovation et de restauration de centaines de mosquées

Carte politique de l’Azerbaïdjan.

Les musulmans azerbaïdjanais, comme les autres citoyens soviétiques qui étaient musulmans, juifs ou chrétiens, ont été confrontés à de fortes restrictions sur leur pratique religieuse. « Les gens n’étaient pas autorisés à recevoir une éducation religieuse », explique Haji Salman Musayev, vice-président de l’Office musulman du Caucase (OCM). « Il n’y avait que deux madrasas (écoles religieuses islamiques) dans toute l’URSS, toutes deux situées en Ouzbékistan ». Moussaïev se plaint que ses années à la madrasa Mir arabe, dans la ville ouzbek de Boukhara, ont été entachées par un contrôle étatique intense sur ce qui a été enseigné.

Ces restrictions faisaient partie d’un ensemble de mesures visant à étouffer la pratique religieuse dans le pays. Même si la pratique religieuse soviétique a survécu durant des décennies, le rôle de la religion dans la vie azerbaïdjanaise a été nié et étouffé. « Nous pouvions à peine envoyer une ou deux personnes pour le pèlerinage du Hajj … maintenant nous pouvons en envoyer autant que nous le voulons », a déclaré Musayev.

Le boom mitigé de la religiosité en Azerbaïdjan 

Sous le régime soviétique, il n’y avait que 18 mosquées utilisées activement dans le pays, mais après l’effondrement de l’Union soviétique, ce nombre est passé à 2 000. Après l’indépendance en 1991, le gouvernement a consacré la liberté de religion dans la constitution du pays et lancé un programme de rénovation et de restauration de centaines de mosquées. « Après l’effondrement de l’URSS, certaines personnes ont ressenti un vide qu’elles cherchaient à combler par la religion », a déclaré le professeur Aqil Shirinov de l’Université de Marmara, expliquant ainsi la légère hausse de la pratique religieuse après le retour à l’indépendance de l’Azerbaïdjan.

Mais cette tendance n’a pas été générale. « Le boom de la religiosité a effrayé certaines personnes », ajoute Aqil Shirinov, évoquant les craintes de certains Azerbaïdjanais pour lesquels une pratique religieuse accrue pourrait entraîner un changement culturel sur les normes définissant ce qui est acceptable et non acceptable. « Certaines familles ont peur que leurs enfants puissent s’impliquer dans des groupes radicaux … parfois les familles n’autorisent même pas leurs enfants à prier. Ces gens se considèrent comme des musulmans, mais dans la pratique, ils ne prient pas. » La pratique religieuse en Azerbaïdjan reste donc faible par rapport à d’autres pays à majorité musulmane, 26 ans après le départ des Soviétiques.

Les Azerbaïdjanais cherchent leur voie, entre un islam national et une modernité marchande mondialisée.

« Nous avons amené nos enfants ici pour leur montrer l’art, ce qu’est l’islam réel »

Selon les recherches du Baromètre du Caucase, seulement 20 % des Azerbaïdjanais participent régulièrement à des rituels religieux, et moins de 40 % du pays limite la pratique aux fêtes religieuses. Fargana Gasimova, pour sa part, ne voit aucun problème dans la religiosité des autres ou son absence, tant qu’elle-même est libre de pratiquer ce qu’elle considère être l’essentiel de sa foi. Personnalité bien connue en Azerbaïdjan, Gasimova se dit fière de servir d’ambassadrice pour sa foi et de modèle pour ses jeunes compatriotes.

« Certaines personnes ont essayé de ruiner le nom de l’Islam et de donner une mauvaise image à l’Islam en l’associant au terrorisme », dit-elle. « Quand les gens me voient jouer dans des concerts à l’étranger, je peux sentir que leurs opinions changent. Ils s’approchent même de moi avec leurs enfants et me confient ceci : » Nous avons amené nos enfants ici pour leur montrer l’art, pour montrer ce qu’est l’islam réel « . »

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